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Un nouveau cadre propose une approche générale pour décrire la physique du point de vue d’un système quantique
Dans un article récemment publié dans Communications Physics, des chercheurs de l’Université libre de Bruxelles et de l’Institut d’Optique Quantique et d’Information Quantique de Vienne présentent un nouveau cadre pour décrire la physique par rapport à des référentiels quantiques, dévoilant l'importance de « particules supplémentaires » jusqu'alors méconnues.
Dans toute expérience, la spécification d'une quantité physique d'intérêt repose toujours sur un référentiel. Par exemple, déterminer l'heure à laquelle un événement se produit n'a de sens que par rapport à une horloge. De même, la position d'une particule est généralement définie par rapport à d'autres particules. Les référentiels sont généralement traités comme des systèmes classiques, c'est-à-dire qu'ils sont supposés avoir des valeurs définies lorsqu'ils sont mesurés par rapport à d'autres référentiels. Cependant, pour autant que nous le sachions, tout système est en fin de compte quantique. Dès lors, il peut, en principe, exister dans des états indéfinis appelés superpositions quantiques. À quoi ressemble le monde physique lorsqu'il est décrit du point de vue d'un référentiel qui peut se trouver dans une superposition quantique ? Peut-on définir des règles cohérentes pour passer d'une perspective à une autre ?
Au cours des dernières années, les chercheurs étudiant les fondements de la mécanique quantique ont multiplié leurs efforts pour répondre à ces questions, qui devraient apporter un éclairage nouveau sur certains aspects de la physique à l'intersection de la théorie quantique et de la relativité générale, tels le phénomène d'ordre causal indéfini. L'une des principales difficultés auxquelles ces tentatives se sont heurtées est la dépendance apparente du résultat des transformations de référentiels quantiques à l'existence de systèmes distants, ce qui va à l’encontre du principe fondamental de localité des lois physiques.
Esteban Castro-Ruiz, de l'Institut d'optique quantique et d'information quantique de Vienne (anciennement à l'Université libre de Bruxelles), et Ognyan Oreshkov, de l'Université libre de Bruxelles, ont apporté une solution à cette énigme sur la base d'une définition opérationnelle et physiquement rigoureuse de ce que signifie décrire le monde par rapport à un référentiel quantique. En utilisant uniquement les outils standard de la théorie quantique, les auteurs ont dérivé une méthode mathématiquement cohérente pour transformer les perspectives de différents référentiels quantiques, méthode qui ne dépend que des référentiels et du système décrit.
Leur principale idée est que la perspective d'un référentiel doit contenir tous les sous-systèmes du référentiel et du système qui sont accessibles « de l'intérieur », c'est-à-dire sans accès à un référentiel externe. Il s'avère que ces sous-systèmes ne comprennent pas seulement le système tel qu'il est décrit par rapport au référentiel, comme on le supposait auparavant, mais également un sous-système qui contient des informations sur les propriétés relationnelles du référentiel lui-même. Ce sous-système, appelé « particule supplémentaire », ne joue aucun rôle lorsque le référentiel est classique, mais il devient important lorsqu'il est à l'état quantique, notamment pour garantir que les transformations entre différentes perspectives soient réversibles.
« Dans le cas où le référentiel est dans un état classique, la particule supplémentaire ne porte aucune information et peut être ignorée, ce qui peut expliquer pourquoi elle n'est pas prise en compte dans notre cadre quantique habituel », explique Esteban Castro-Ruiz. « Ce qui est surprenant, c'est que l'on peut déterminer en interne si notre référentiel est dans un état classique ou dans une superposition quantique en mesurant la particule supplémentaire. Il s'agit donc d'une propriété indépendante des référentiels externes, contrairement à ce que l'on croyait auparavant. »
« Ce que je trouve remarquable, c'est la simplicité de notre solution. Notre cadre ne pose aucune hypothèse - il est obtenu à partir de la perspective d'un référentiel externe en utilisant uniquement les outils standards de mécanique quantique, mais les résultats sont indépendants du référentiel externe et applicables même dans les cas où un tel référentiel n'existe pas", souligne Ognyan Oreshkov.
Ce nouveau cadre jette les bases d'une compréhension relationnelle plus approfondie du rôle des référentiels dans la théorie quantique, avec des applications potentielles à la théorie de jauge et à la gravitation.